[ Azgeda - Avant le bannissement de Roan ]

L'hiver était présent depuis plusieurs semaines déjà à Azgeda, et comme nulle part ailleurs le froid dominait le reste. C'est le moment qu'Ontari préférait, car durant ces jours hivernaux la Nation des Glaces était plus belle que jamais. Elle avait toujours adoré appartenir à ce clan de guerriers et n'aurait voulu faire partie d'aucun autre peuple.

Elle était aux côtés de la Reine Nia et de ses sujets. Parmi eux, le chef de son armée lui faisait part des dernières nouvelles. Sa souveraine lui fit un signe de la main et Ontari lui apporta alors de quoi se désaltérer, avant de reprendre place près d'elle. C'était d'ailleurs la place qu'elle occupait une grande partie de son temps, quand elle n'était pas occupée à se battre. Très jeune, elle avait fait le serment de servir la reine et de la protéger. Elle passerait donc sa vie à ses côtés, jusqu'à ce que le ciel ne décide de s'emparer de l'une d'elle. Cette décision lui avait été comme imposée, simplement parce qu'à l'époque elle n'avait pas d'autres choix. Mais elle ne le regrettait en rien, cela lui avait permis de devenir la jeune femme forte qu'elle était aujourd'hui. Grâce à cette vie qu'elle avait, elle été dotée d'un caractère bien trempé et d'un mental d'acier. Et pour elle, faire partie de la garde de la reine lui donnait une certaine importance. Là était peut-être ce qu'on pourrait appeler sa faiblesse : elle avait ce besoin constant de se sentir comme importante et de prouver ce dont elle était capable.

Par moments, Nia la considérait comme rien de plus que sa servante. Mais elle était cependant bien contente d'avoir à sa portée une guerrière prête à tout pour la défendre et faire valoir sa supériorité. Elle avait fait d'Ontari sa machine de guerre.

« Gonot. Yu souda kigon yu granplei. »
(Sors. Tu dois continuer ton entraînement.)

Voilà la phrase que Nia prononça à son égard. C'est donc sans discuter que la brune s'éloigna, laissant tout ce petit monde qui l'entourait encore quelques secondes auparavant. Elle ne discuta pas les ordres de sa reine, même si elle n'était pas d'accord avec elle. Elle voulait sans cesse qu'elle s'entraîne à se battre, encore et encore... Mais depuis le temps, depuis des années, la jeune femme maîtrisait déjà parfaitement cet art. Pas un jour ne s'était passé sans qu'Ontari ne manie épées, arcs et flèches et bien d'autres armes encore. Pourquoi Nia voulait- elle qu'elle continue ? Dans l'espoir qu'elle s'améliore toujours plus, qu'elle acquiert toujours plus de force et de technique et tout ça dans un seul but. L'Azgeda était ce qu'on appelait une Natblida, dans ses veines coulait un sang d'ébène et que peu de personnes possédaient. Seul un Natblida pouvait prétendre au trône et devenir commandant. Ce qu'elle voulait donc, c'était qu'Ontari devienne un jour Heda, et ainsi voir la Nation des Glaces à son apogée. Elle le savait et n'était pas contre cette idée, bien au contraire. On lui avait bourré le crâne depuis qu'elle était petite et espérait bien un jour accomplir ce pour quoi elle était née.

Perdue dans toutes ses pensées, elle se dirigeait vers le terrain d'entraînement. Elle avait tellement l'habitude de faire ce chemin qu'elle s'y rendait maintenant sans vraiment faire attention et regarder où elle posait les pieds. Ce qui l'amena donc à bousculer une personne qui venait à sa rencontre à ce moment.

- Ste feka !
(Fais attention !)

Elle dit ces mots sèchement à l'égard de celui qu'elle venait de rencontrer en s'arrêtant. En relevant la tête, elle vit qu'il s'agissait de Roan, prince d'Azgeda et fils de Nia. L'expression de son visage changea en le reconnaissant, ses traits se détendirent et son regard se fit moins dur. Elle le salua d'un signe de tête, sans pour autant s'excuser de l'avoir bousculer la minute d'avant. Elle et Roan avaient une vision différente des choses, il arrivait souvent que les deux soient en désaccord mais elle respectait quand même le Prince. Sa préoccupation première était le bien être de son peuple, sa façon de le montrer était différente de celle d'Ontari mais ils avaient quand même ça en commun.

- Taim yu ste lufa yu nomon au, em laik kom wormana.
(Si tu cherches ta mère, elle est avec le chef de guerre.)

La manière dont elle avait dit cela sous-entendait un profond mais subtil agacement. Elle se sentit aussitôt sote d'avoir montré son désappointement à Roan, qui était nul autre que le fils de celle pour qui elle ressentait à ce moment même de l'exaspération. Elle se contenta alors d'esquisser un sourire pour sauver les apparences, on ne pouvait pas faire plus faux que cela.

« Et bien, quelle amabilité. »
C’était avec amusement que Roan avait prononcé ces mots à l’intention de la brune l’ayant bousculé. L’épée à la main, le prince avait rangé la lame afin de signifier une pause dans son propre entraînement.
« Ne serait-ce pas à toi de faire attention en arrivant ici ? »
Le prince n’hésitait pas à être ainsi loin des regards de sa mère. Plus détendu, plus joueur, plus humain. Il n’y avait pas la pression de Nia à retomber sur ses épaules alors que, quelques minutes avant, il croisait le fer avec certains guerriers d’Azgeda en qui il avait toute confiance. Il pouvait s’entraîner sans avoir à écouter la moindre remarque, commettre des erreurs, les rectifier, s’améliorer. Il agissait comme n’importe quel guerrier et non comme un prince sur qui pesait constamment le regard de la reine.
Et il avait face à lui Ontari, cette jeune femme, guerrière que Nia gardait à ses côtés. Roan ne savait pas grand-chose du passé de la brune, mais il la côtoyait déjà depuis de nombreuses années. Et, bien qu’il n’appréciait guère les façons de faire de sa mère, pouvant ainsi créer certaines divergences avec la guerrière, il s’entendant assez ben avec elle. C’était d’ailleurs pour ça qu’il acceptait qu’elle puisse lui parler comme elle venait de le faire et qu’il ne relevait pas le ton employé pour évoquer la célèbre hainofa.
« Qu’est-ce qui te fait dire que je la cherche ? »
Car le prince se porte bien mieux sans elle, mais il avait usé d’une pointe d’humour pour relever cette remarque. Ce n’était pas souvent qu’il en faisait, mais l’agacement de Ontari l’amusait, tandis qu’elle cherchait à le camoufler. Alors il jouait là-dessus, étant fidèle à lui-même.
« Je suppose qu’elle t’a envoyé t’entraîner ? »
Nul besoin d’être un fin connaisseur des habitudes de Nia pour émettre cette hypothèse, alors que la reine semblait toujours souhaiter l’excellence.

Bien qu'elle eut montré de l'agacement quelques minutes avant en tombant sur Roan, elle était quand même contente que ce soit lui et non quelqu'un d'autre. Même si ce n'était pas la meilleure personne pour parler de la Reine ainsi, lui plus que personne d'autre pouvait le comprendre. D'un côté elle s'en voulait de penser ainsi. Elle avait un grand respect pour Nia, bien qu'elle ne soit pas la plus gentille de tous. Elle avait un lien particulier avec elle. Mais d'un autre côté, elle était parfois énervée de devoir toujours faire ce qu'elle lui demandait de faire sans ne pouvoir dire quoi que ce soit. Voilà pourquoi Roan pouvait la comprendre là dessus plus qu'un autre. Étant le fils de Nia, il était difficile pour lui de la contredire publiquement lorsqu'il n'était pas d'accord avec elle. Du moins, c'est ce qu'elle pensait. Et elle avait bien remarqué que parfois, lui aussi était agacé par sa mère. Ils avaient ça en commun, même si elle ne l'avouerait jamais.
« Tu supposes bien. Et je vois que toi aussi tu es là pour t'entraîner. »
Cela semblait évident vu qu'ils se trouvaient sur le terrain d'entraînement des guerriers d'Azgeda. Il était cependant rare qu'ils s'y retrouvent en même temps. Même si Ontari y passait une bonne partie de ses matinées chaque jour, ce n'était pas souvent que le prince y allait au même moment qu'elle. Aussi loin qu'elle se souvienne, elle n'avait d'ailleurs jamais eu l'occasion de croiser le fer avec lui. C'est à cette pensée que lui vint une idée.
« Tu partais ? Quel dommage, moi qui espérais avoir un adversaire à ma taille. »
Face au ton détendu qu'il avait employé pour lui parler, la brune n'hésitait pas à faire pareil. Après tout, tout le monde savait qu'elle était loin d'être calme et discrète alors à quoi bon faire semblant. Et s'il y avait un moment où elle pouvait se défouler c'était bien lorsqu'elle s'entraînait. Alors, sans forcément attendre de réponse de la part du Prince, elle se munit de son épée et alla sur le terrain. Arme en main, elle l'invita ainsi à la rejoindre. Elle qui pensait s'ennuyer à mourir ce jour-là, peut-être avait-elle finalement trouvé le moyen de pimenter un peu son entraînement.

Rares étaient ceux portant Nia dans leur cœur, mais plus encore, rares étaient ceux criant haut et fort leur fond de pensée au sujet de la Reine. Roan avait beau être son fils et le légitime héritier du trône de Azgeda, s’était un devoir de sa part de garder ses désaccords envers cette femme et ne montrer aucune faille dans sa façon de gouverner. Que diraient les natifs de ce clan aussi glacial que les froides montagnes si leur propre prince mettait à mal les directives de leur reine ? C’est pourquoi il était rare de pouvoir entre le guerrier montrer son désappointement à ce sujet, mais cela ne l’empêchait pas de faire preuve de sarcasme. Et voir Ontari ainsi n’était qu’une invitation à le faire.
De ce qu’il avait pu voir de la guerrière favorite de Nia, elle était aussi tempétueuse qu’elle pouvait le paraître. Les propos de cette dernière ne pouvaient fait qu’honneur à ce trait de caractère, tandis qu’il s’était fait un plaisir d’ironiser à ce sujet. Il pouvait voir comme des étincelles dans le regard de la brune et Roan se demandait bien ce qu’elle pouvait donner au combat à cet instant précis. Serait-elle à se laisser guider par ses émotions ou bien à faire preuve de stratégie ? Azgeda était souvent montré comme un clan de guerriers barbares et sans pitié mais pour le prince, la victoire résidait dans tout autre chose que l’impulsion donné par l’adrénaline des combats.
La supposition de Ontari fit hausser les auprès de Roan dont le geste montrait avec évidence son accoutrement. Un enfant aurait compris alors même qu’il se trouvait sur le terrain d’entraînement.
« Être prince ne prive pas d’une bonne préparation au combat. »
Bien au contraire, Roan considérait que tout bon monarque se devait de savoir manier la lame. Il ne comptait pas faire partie de ces couards se dissimulant derrière ses soldats pour affronter l’ennemi. Il serait le chef de guerre encourageant les siens et préférant la mort sur le champ de bataille que assis sur son trône. Une vision bien précise qui pouvait diverger de celle de sa mère préférant laisser le sale boulot aux autres.
Le ton de la guerrière fit sourire le prince. Il aurait même pu en rire face à la condescendance dont elle faisait preuve. Alors que d’autres guerriers auraient eut un rappel à l’ordre pour cette audace, il n’en fit rien face à Ontari.
« Ne te fis pas aux apparences Ontari. Une pause ne signifie pas le départ du terrain d’entraînement. »
Après tout, il n’avait fait que ranger sa lame à l’arrivée de la jeune femme afin d’échanger de manière civilisée sur la courtoisie de ses propos.
« Es-tu sûre de ne pas être trop portée par la tempête de tes émotions pour m’affronter ? Je m’en voudrais de mettre hors combat la garde de ma mère. »
Conclut-il avec sarcasme, avant de sortir son arme.
« Bien que, je ne voudrais pas te faire l’audace d’engorger ta fierté. »

Ontari n'en attendait pas moins de la part du Prince. Bien que sa provocation aurait pu en étonner plus d'un, Roan lui n'en avait pas tenu compte. Au contraire, il y avait même répondu et ce de la manière qu'elle espérait. Jusqu'à présent, leur relation était restée cordiale et sans embûches. Elle ne connaissait pas personnellement le Prince, mais elle en savait suffisamment sur lui pour comprendre qu'il était bien différent de sa mère. Même si elle pouvait paraître impulsive et agressive, elle était quand même loin d'être bête. En réalité, elle avait beaucoup analysé le comportement de l'héritier lorsqu'il était en présence de sa mère. Faisant partie de la garde rapprochée de la Reine, c'était de son devoir d'observer et de se méfier de ceux qui l'approchaient, y comprit son fils. Et par moment, elle avait cru lire dans ses yeux ce même sentiment qu'elle même ressentait parfois : de l'exaspération. Même si tous les deux s'efforçaient de ne pas le montrer, elle était bien familière à ce sentiment et elle aurait été capable de le reconnaître chez n'importe qui d'autre.
Ici, sur le terrain d'entraînement, Nia n'était pas là. On y trouvait que des guerriers et la Reine était loin d'en être une. Elle préférait largement entraîner et monter toute une armée de guerriers sans foi ni loi plutôt que de combattre elle-même. Et c'était ce petit détail qui l'encourageait à venir s'entraîner sans relâche jour après jour. Ici, elle était enfin débarrassée de Nia et de ses ordres. Elle aimait s'entraîner à se battre, elle ne dirait jamais le contraire. Elle adorait ça même. Mais il est vrai que parfois, elle aurait aimé faire autre chose, sortir de cette routine infernale dans laquelle elle s'était engrenée malgré elle. Alors, si pour une fois elle pouvait trouver le moyen de changer ne serait-ce qu'un tout petit peu ses habitudes, elle n'allait pas hésiter. Et ce jour-là, ce moyen c'était de mêler son entraînement à celui du Prince. Voilà pourquoi elle se tenait devant lui, arme en main, à attendre qu'il vienne la rejoindre. Elle avait l'occasion de s'amuser un peu et elle n'allait pas laisser passer cette chance. Comme n'importe quel guerrier qui se respectait et plus encore, en tant que Prince, il ne pouvait pas refuser son invitation au combat.
« Ne t'en fais pas pour ça. Je suis parfaitement capable de te désarmer. Et de t'apprendre quelques parades par la même occasion. »
La manière dont elle avait prononcé ces mots, le sourire aux lèvres, aurait pu en déconcerter plus d'un. Rares étaient ceux qui osaient s'exprimer avec autant d'audace face au Prince, mais la brune s'en fichait bien. Il avait raison sur un point, elle était aussi imprévisible que la tempête et se laissait bien trop souvent porter par ses émotions. Elle était aussi impulsive qu'on pouvait l'être. Mais lorsqu'elle combattait, c'était une toute autre Ontari qui prenait place. Elle faisait marcher sa tête plutôt que son cœur. Si elle avait bien apprit une chose lors de son entraînement, c'est que jamais il ne fallait laisser ses émotions l'emporter sur le reste ou c'était la défaite assurée. Un bon guerrier devait se servir de sa tête et toujours avoir un coup d'avance sur son adversaire. C'est ce qu'elle avait cherché à faire avec Roan. Même si elle savait qu'il en fallait beaucoup pour l'impressionner, elle comptait bien sur ses mots et sur sa manière de parler pour essayer de le déstabiliser un maximum. Et après ? On verra bien si ça marche. Sinon, elle comptait évidemment sur ses aptitudes d'attaque et de défense.
Le sourire qui se trouvait sur ses lèvres s'étirait un peu plus en le voyant la rejoindre, arme en main. Elle allait enfin pouvoir se mesurer au Prince d'Azgeda. Elle en était certaine, si Nia voyait cette scène, elle n'approuverait sûrement pas son comportement. Mais au diable l'Azplana, pour une fois elle voulait être la seule à décider de son entraînement. Et il faut croire qu'elle faisait un minimum confiance au Prince pour garder ce moment entre eux. Mais elle préféra tout de même s'en assurer.
« Tu ne crains pas que ta mère apprenne ta future défaite ? »
Dit-elle avec tout le sarcasme et toute la provocation dont elle pouvait faire preuve. Dès qu'elle eut prononcé ces mots et dès que le jeune homme lui faisait bien face, elle brandit son épée et porta le premier coup de ce combat qui s'annonçait sans nul doute intéressant. Elle s'attendait à ce qu'il bloque son attaque et qu'il riposte aussitôt, et elle et ses parades étaient prêtes à répondre à ce jeu de lames qui s'installait entre eux.

Cet entraînement se profilant ne pouvait qu’être bénéfique, autant pour Roan que pour Ontari. Bien que le prince avait déjà croisé le fer aujourd’hui, il n’en était pas épuisé et pouvait partir pour de nouveaux rounds. Voir même, la garde rapprochée de Nia pouvait s’avérer être le meilleur adversaire de la journée, alors qu’il ne pouvait nier perdre patience face à son dernier opposant qui semblait craindre des représailles de par le rang de l’Azgeda. Rares étaient ceux faisant dans ce détail, mais certains semblaient se laisser commander par cette peur.
La joute verbale était lancée, semblable à l’annoncement du futur fracas des lames. Le prince ne s’offusquait pas de piques de la brune qui avait ce franc-parler. Personne pour les juger sur leur dire, Roan encaissait avec sourire chaque remarque.
Ainsi, elle se croyait capable de le battre ? Et bien, ils le découvriront assez tôt. Mais l’Azgeda gardait cette sûreté en mémoire, afin de le lui rappeler une fois la brune à terre. Lui-même faisait preuve d’un trop-plein d’assurance, considérant que c’était une obligation pour lui d’être imbattable. Lui-même faisait preuve d’un trop-plein d’assurance, considérant que c’était une obligation pour lui d’être imbattable. À trop prendre en assurance durant les combats, il finissait toujours par offrir trop d’ouverture lors de la seconde phase des affrontements, et cela, sa mère prenait un certain plaisir à le lui rappeler.
« Nous verrons bien qui va apprendre de qui. »
Il relevait le défi et ne perdit pas plus de temps pour rejoindre la zone d’engagement. À quoi bon patienter alors que rien ne les retenait ? Profiter de leur liberté actuelle avant de ne voir débarquer un quelconque sous fifre venant chercher l’un des deux pour une quelconque affaire d’État. Être bien placé n’offrait pas que des avantages, et ce le pensant avait entièrement tort.
L’arme à la main, il était prêt à faire face à la jeune femme. Il analysait sa posture, son attente et ce sourire qu’elle avait alors qu’elle lui faisait face. L’instant avant la première attaque était souvent le plus propice afin d’établir une stratégie. Le langage du corps était le plus révélateur et Roan en avait tendu ses muscles, prêt à bondir afin de riposter.
« Ne te déclare pas gagnante si vite. À moins que tu ne craignes qu’elle apprenne ta propre défaite. »
Un sourire amusé et une épée levée afin de parer l’assaut. Une défense simple, mais efficace. Un coup suffisamment fort lors de la rencontre pour sentir les vibrations remonter le long de son bras. Un débutant en aurait perdu son arme, mais pas des guerriers tels qu’eux. Si la brune laissait tomber l’épée, le prince en aurait été déçu.
C’était à son tour désormais. Il pouvait surenchérir avec une nouvelle attaque, ne pas laisser Ontari réfléchir, mais il ne le fit pas. Usant de pas de côté, il se déplaçait, prenait le temps de se trouver une ouverture, ne pas agir comme une brute d’Azgeda sans réflexion. Son déplacement avait été rapide, mais la stratégie était en place. Roan avait agi de façon à placer le soleil dans son dos, ne pas se créer d’obstacle de par un éblouissement et, sans laisser le temps de comprendre son plan, il attaquait. Une bonne prise sur sa garde, un assaut de face afin de viser un côté à la dernière seconde.

Lorsque la lame du Prince vint contrer la sienne, le sourire de la guerrière s'agrandit de plus belle. Le combat ne faisait que commencer, mais elle n'aurait pas pu imaginer meilleur entraînement que celui là. Croiser le fer avec le Prince d'Azgeda était un bon moyen pour elle de prouver ses aptitudes au combat et de prouver une fois de plus sa valeur aux yeux de qui voulait bien regarder. Elle se doutait que les guerriers qui s'entraînaient en temps normal avec lui n'osaient pas forcément mettre trop de puissance dans leurs coups pour ne pas blesser l'héritier ou simplement parce qu'ils avaient peur de représailles de sa part. Mais ça n'était pas la façon de penser d'Ontari. Bien au contraire, c'était pour elle un moyen de s'affirmer comme étant une guerrière redoutable. Elle n'avait pas particulièrement besoin de cet entraînement commun pour s'en assurer, jamais elle ne doutait de ses capacités, et en son fort intérieur, elle était persuadée et convaincue d'être l'une des meilleures guerrières que cette Terre ait jamais connues. Tous clans confondus. Alors oui, elle était certaine de pouvoir mettre Roan à terre. Et elle n'avait pas l'intention de ménager ses coups avec lui.
Les paroles du fils de Nia la stimulaient encore plus et lui donnaient davantage l'envie de gagner ce duel. À Azgeda, Ontari était assez réputée pour son tempérament de feu et son franc parler. Le sarcasme et la déstabilisation par les mots étaient sa marque de fabrique. Le fait de voir Roan utiliser les mêmes méthodes qu'elle la faisait rire. Elle n'était pas vraiment proche du Prince, mais jamais elle ne l'aurait cru capable de répondre aussi positivement à ses remarques.
« Perdre n'est pas dans mes habitudes. Tu t'en rendras compte bien vite. »
Après qu'il ait paré sa première attaque, l'Azgeda s'attendait à ce qu'il surenchérisse tout de suite. Elle avait reprit son épée bien en main, de sa poigne ferme, s'il attaquait à son tour elle serait prête à riposter. Mais il n'en fit rien, il se contenta de se déplacer afin de changer leur positionnement respectif sur le terrain. Elle observait minutieusement chacun de ses mouvements, coordinant ses pas avec les siens de manière à se trouver toujours face à lui. Une attaque de dos était bien vite arrivée et elle ne voulait pas laisser l'opportunité au Prince d'en user. Même si elle doutait fort qu'il était du genre à attaquer par derrière. À analyser sa posture et ses gestes, il allait privilégier un assaut de face ou de côté. Et c'est exactement ce qu'il fit. En à peine quelques secondes, l'épée du Prince s'était retrouvée près de ses flancs. Elle l'avait stoppée de justesse, les rayons du soleil qui s'étaient reflétés dans la lame l'avaient éblouie. Elle ne put retenir un rire. Sa stratégie était plutôt bonne, un débutant n'aurait jamais agit de la sorte. Mais la Natblida n'en était pas une non plus. Même si la tactique du Prince avait été trop rapide pour qu'elle ait eu le temps de comprendre ce qu'il avait en tête, son instinct de guerrière avait su guider ses mouvements et ainsi éviter l'impact entre l'arme et ses côtes.
« Oh, allez. Je suis sûre que tu peux mieux faire. »
Lui dit-elle sur un ton amusé, qui se voulait provoquant, tout en le repoussant d'un coup d'épée. Contrairement à Roan, elle n'attendit pas avant d'attaquer à son tour. Sa stratégie était différente de la sienne, elle attaquait aussitôt sans lui laisser le temps de réfléchir à ses futurs mouvements. D'attaques en attaques, il finirait par s'épuiser en les contrant toutes et elle comptait sur sa propre endurance pour avoir le dessus sur lui. Elle combattait agressivement, brutalement en mettant toujours un peu plus de force dans chacun de ses coups. Certains diraient que c'était là la méthode qu'on enseignait aux Natblidas. Ainsi, à peine Roan avait lancé son premier assaut qu'Ontari en lançait à son tour, alternant attaques de face et de pieds, essayant de lui faire perdre l'équilibre par moments. Même si tous les guerriers Azgeda avaient une technique de combat similaire, les deux jeunes gens ne partageaient pas forcément la même. La brune était plus agressive que lui. L'adrénaline de ce combat commençait à se faire ressentir et elle sentait son sang s'échauffer dans ses veines.

Alors si perdre n'était pas dans ses habitudes, les deux Azgeda allaient devoir faire face à un problème. Car ce n'était pas non plus dans les habitudes de Roan que de laisser la victoire à un autre, et encore moins face à l'attitude provocatrice de Ontari. Mais cette volonté de vouloir vaincre plaisait au guerrier. C'était cela que devait représenter Azgeda, alors que ce clan n'était pas en réelle paix avec ses voisins. Il suffisait de voir les chefs de guerre mener les combats contre Trikru ou quelconque autre ennemi.

C'était pour illustrer cette combativité digne de la Nation des Glaces, qu'il avait porté son coup à son adversaire du moment. Une attaque réfléchie, usant du terrain comme d'un allié en tentant de mettre la jeune femme en difficulté. Une tactique simple, l'une des premières qu'il avait apprise dans son enfance. Trouver ses avantages, détruire ceux de la personne lui faisant face. On lui avait conseillé d'attaquer sans laisser le temps de la réflection, mais ce point-là n'était pas le siens. Agir dans la précipitation pouvait le mettre lui-même en mauvaise position, alors qu'en observant son adversaire, il pouvait évaluer ses forces et ses faiblesses. En l'occurrence, Ontari était plus petite que lui, pouvant alors supposer un jeu d'agilité, là où lui usait plus de force et de coup sec. Roan n'était pas dans le style de combat à la dentelle. Des coups précis et efficaces.

Sa première attaque fut contrée, de justesse. Il agit réussi à surprendre la guerrière et un sourire de fierté avait pris place sur son visage, malgré la remarque de sa part. Elle n'en ratait pas une pour faire preuve de sarcasme, mais la brune était plutôt bien tombée avec le prince.

« Ce n'est que l'échauffement. Ne sous-estime jamais cet instant. »

Et lui ne ratait pas une pour faire une leçon de morale à la protégée de Nia. Une autre tactique, plus subtile, qu'était de jouer sur l'humeur de la jeune femme. Il avait déjà eu un perçu du volcan qu'elle pouvait être et c'était ce qu'il recherchait. Créer l'éruption afin de la prendre au piège de l'impulsivité. Il ne savait guère si cela allait fonctionner ou non, mais c'était sa façon de mettre ses chances de côtés.

« Ne vas pas crier victoire trop tôt Ontari, tu ne ferais pas honneur à ton entraînement. »

Chercher à faire perdre patience la guerrière lui semblait simple et il usait de sarcasmes pour cela. Elle lui facilitait le travail en lui donnant les cartes dont il avait besoin, mais il n'oubliait pas non plus le côté physique de l'exercice. Et la brune était rapide, tout comme coriace.

Contrairement à lui, elle avait de suite attaqué. Une bonne tactique, épuiser son adversaire sans lui laisser le temps de réfléchir. Non surprenant comme choix, mais tout de même efficace. Si en ayant pris le temps, il offrait la possibilité à Ontari d’échafauder ses hypothèses et autre initiative, lui ne pouvait le faire pour contraire la brune. C’était avec un sourire de satisfaction qu’il fit rencontrer les deux lames dans un fracas. Un assaut digne d’un Azgeda pouvant rendre fière Nia, c’en était certain. Pas d’attaque dans le dos, l’assurance d’une guerrière, il retrouvait là la figure même d’une guerrière des glaces sans aucun doute.

Sous les coups de Ontari, Roan se déplaçait, parant, menant une contre-attaque. Toujours être en mouvement et ne surtout pas se faire acculer. Reculer pour mieux avancer par la suite. Parfois, il était surpris et parait au dernier moment, d’autre fois, il arrivait à anticiper. Le son du métal contre le métal résonnait de temps à autre, sonnant comme une mélodie aux oreilles du prince. Il avait baigné dans l’art du combat depuis sa plus tendre enfance. Un apprentissage de longue date que connaissait tout natifs se respectant. Ils vivaient tous dans un monde où la survie primait sur les loisirs de la vie et par ces temps de conflits, il était important que tous soient bien formés. Roan n’y avait pas échappé et avait appris à allier stratégie avec efficacité. Si son plus grand défaut en combat était son regain d’assurance, il arrivait à le maîtriser jusqu’à prendre le dessus, ce qui n’était pas encore le cas.

Profitant d’une nouvelle attaque de Ontari, Roan avait esquivé en se baissant afin de pouvoir mieux se positionner. Profiter de la vitesse de mouvement afin de passer sous l’épée et ainsi avoir la possibilité de la déstabiliser d’un coup de pied. La rapidité du mouvement pouvait tout autant donner une ouverture à la brune que d’offrir au guerrier la possibilité de placer son coup.