Le murmure du vent à travers les branche, le calme paisible de la forêt avec pour seule raison face à l'absence du silence, le martèlement léger des sabots de sa monture. Nemyt avait beau être une guerrière, elle appréciait ce calme ambiant et si contrastant avec le tumulte de la bataille. Être guerrière ne signifiait pas non plus être constamment avec cette volonté à vouloir affronter son prochain. Bien au contraire, la cavalière considérait qu'il y avait cette approche plus stratégique et plus observatrice si opposée à son manque de patience. Profiter de la vie afin de quitter cette notion d survie devenue si courante au fil des décennies pour simplement vivre. Et c’est ce qu’elle faisait de vivre, alors qu’elle avait eu l’autorisation de son ambassadeur de donner le relais le temps d’une journée et de pouvoir vaque à ses occupations hors de Polis. En général, elle n’avait pas à forcément devoir demander cette autorisation un relais stratégique se faisant naturellement dans la délégation, mais lorsqu’elle quittait Polis, elle se devait d’en informer Yzar.

C’est ainsi que la cavalière se trouvait entourée d’arbres de la forêt Trikru. Grâce aux alliances de la Coalition, Nemyt pouvait voyager sans craindre de tomber sur une quelconque embuscade. Ingranronakru était actuellement en conflit avec personne pouvant tenter de leur porter un coup en douce. Ou du moins n’avait-elle perçue aucune menace depuis sa propre blessure, des mois plus tôt, les attentions étant désormais concentrées sur ce peuple tombé du ciel. Si d’autres regroupements pouvaient exister sans pour autant appartenir à la Coalition, aucun d’eux ne retenait autant l’intérêt que Skaikru. Il y avait bien eut les Maunons, au cœur de nombreux esprits, mais ils étaient aujourd’hui un ennemis disparu, une menace désormais inexistence alors que seul, restait leur ancien habitat désormais non scellé. Elle était passée devant ce lieu où avait été tué plus de trois cents personnes et la guerrière avait eu cette satisfaction de savoir que le sang avait été versé pour venger les nombreux disparus sous la main de ces démons.

Tandis qu’elle était dans ses pensées, Nemyt sentit sa jument s’arrêter, les oreilles aux aguets. Tout de même méfiante de ce que ces bois pouvaient dissimuler, la brune prit le temps d’observer sans mettre pied à terre. Si un prédateur se terrait, prêt à bondir, elle girait bien plus rapidement sur le dos de sa monture qu’à pied. Mais il n’y avait aucun danger à ses yeux alors qu’elle distingua finalement la silhouette d’une personne à quelques mètres. Les équidés ayant une ouïe bien plus poussée que leur cavalier, Nemyt n’était pas surprise que Kelpie ait aperçu la personne bien avant elle. Laissant sa curiosité prendre le dessus, de savoir qui donc s’aventurait seul, Trikru ou Skaikru, elle prit la direction de l’inconnu.

« Ha yun, ai lukot. »

Ce n’était pas réellement son ami au sens propre du terme, mais la façon pour la guerrière de saluer cette personne tout en prévenant de sa présence. Si elle tombait sur un gona, mieux valait ne pas le prendre par surprise. Pourtant, alors qu’elle s’était approchée, l’allure du garçon donne une indication à l’Ingranrona sur son appartenance aux Skaikru. Ne sachant pas s’il avait alors compris ses propos, la jeune femme fit preuve de bienveillance en reprenant dans cette langue qu’ils comprenaient.

« Ben le bonjour. »

Je suis parti voir la mer. A +.

Résultat d'une dizaine d'heures de réflexion, ce mot était censé raconter tour à tour que j'aimais certaines personnes et qu'elles allaient me manquer, que je partais m'installer sur des bateaux et aussi que j'avais pris ma décision. Ouais, j'étais pas doué pour écrire, ou pour parler, sociabiliser, dire ce que je ressentais... Pas doué pour grand chose, en somme, et surtout pas pour trouver une place dans ce campement de la mort. J'avais essayé, enfin j'en étais persuadé. Que ce soit en causant avec Blake, en devant accuser le regard de Bryan, en avouant tout à Noha ou en me faisant embarquer dans une leçon de mécanique par Reyes. J'avais fait l'effort de venir, ou de rester, et c'était déjà assez pour que, selon moi, je comprenne que j'avais pas d'avenir à Arkadia. Je restais bloqué, coincé, étouffé par des milliers de sentiments qui faisaient que trouer ma carcasse jour après jour. Peut-être que c'était pas digne d'un guerrier, mais je m'en foutais, parce que j'étais loin d'être comme toi. Et je le serais jamais.

Alors ouais, après ce petit mot digne d'un Jasper torché, j'étais parti avec mes affaires sur le dos, prêt à trouver la mer à l'aveugle. J'avais jamais été l'intello du groupe, c'était même le contraire, mais je devais avouer que cette idée était particulièrement conne. Ce fut pour essayer d'orienter mon chemin que je me stoppais, à une petite heure des archéens et de leurs emmerdes. Assis, le dos contre un arbre creux qui grouillait d'insectes plus suspects les uns que les autres, j'avais chopé de quoi écrire et notais des mots et d'autres que je te ferais pas le plaisir de connaître. Sache juste que c'était pas du vol, que c'était à moi. J'étais pas un crétin ! Enfin... c'était vite dit vu la réaction que je chopais lorsque les naseaux de ton cheval étaient apparus au-dessous de ton allure fière et meurtrière. Je t'avais pas écouté arriver, trop occupé à réfléchir à comment trouver une flaque d'eau au bord des bois, mais crois-moi, je ferais pas deux fois la même erreur ! Pas avec la frousse que tu m'avais foutue ! Tu étais apparue pile dans mon angle mort, m'offrant encore plus de temps pour réagir et ce fut au son que je tournais la tête pour te voir. Tu causais bizarre en plus ! Ni une ni deux, sans hésiter, tous mes muscles se tendirent et ma voix s'enrailla dans un sursaut de stupeur. Je crois qu'un minuscule et couard cri avait sifflé entre mes lèvres, mais j'étais surtout sûr de m'être redressé si rapidement que tout tangua autour. Fais chier.

Tu recommenças à parler, j'écrasais mon poing contre l'arbre pour donner l'illusion de force alors que je faisais que trouver une béquille temporaire. Avec une habituelle capuche sur la tête, un sweat délavé et un jean encore plus sale que le haut, je me trouvais habillé normalement, contrairement à ta tenue des plus affreuse que tous les Natifs semblaient avoir en commun. Et dans ces vêtements d'assassin, tu me saluais comme si on avait été des potes. Je serrais les dents. Vous étiez tous des gens bizarres ici.

"Tsss, b'jour."

Fis-je d'abord sur un ton tranché, qui voulait pas laisser de place à la répartie. À ta répartie. Puis, chopant mon sac et toutes les affaires qui pouvaient traîner, je portais la main à ma ceinture. À l'intérieur, coincé entre le cuir et le tissu, un petit couteau qu'on pourrait comparer à une aiguille vu ce que j'avais vu sur les stands de Polis.

"Qu'est-ce que tu fais là ?"

Finis-je par demander en restant sur mes gardes, le cœur battant la chamade de terreur et d'appréhension. Et si tu te dirigeais vers Arkadia ? Et si tu leur voulais du mal ? Et si... tu faisais partie du clan des bateaux ? Non, ça, ça m'étonnerait. Vraiment ?

"Tu viens d'où ?"

Ce garçon n'était pas le premier Skaikru que la guerrière rencontrait, et il ne serait certainement pas le dernier. Ayant arrêté sa monture afin de ne pas effrayer ce jeune homme, Nemyt avait naïvement cru qu'il l'avait entendu arriver. Mais de par sa réaction, et ce semblant de cri, elle avait compris son erreur. Malgré la litière de la forêt, foulée par les sabots de sa jument, la brune s'était faite aussi silencieuse qu'un loup ayant la maîtrise de son territoire. Ou alors ce jeune avait des problèmes d'audition, mais commencer par cette question aurait été très peu diplomatique pour celle ayant appris l'art d'éviter les incidents en observant son propre ambassadeur.

Ce fut donc avec une amabilité digne d'un gros dur s'était cogné le petit orteil contre un pic de glace que la jeune femme fut reçue par celui qu'elle avait surpris. Amabilité qu'elle prit avec une légère pointe d'amusement, alors qu'elle était similaire lors de ses mauvais jours. Ne souhaitant pas prendre ce garçon de haut, Nemyt avait mis pied à terre, laissant l'équidé en liberté à ses côtés. La confiance portée en celle qu'elle avait nommée Kelpie, des années plus tôt, pouvait être des plus sidérantes, mais telle était le lien que pouvait nouer un Ingranrona avec l’emblème de son clan.

Même si c'était la curiosité qui l'avait poussé à rejoindre Arkadia, la cavalière n'en restait pas moins méfiante de ses rencontres. L'une des dernières fois où elle avait quitté Polis, cela s'était mal finie pour elle et son œil. Elle ne voulait en aucun cas réitérer l'expérience, alors que, détaillant le garçon du regard, elle pouvait le voir avec cette attitude défensive, qu'elle aimait comparer à celle d'un louveteau séparé de ses parents et pris au piège par un prédateur. Pourtant, malgré les quelques couteaux disséminés astucieusement sur elle, Nemyt n'était pas une prédatrice pour lui. Elle ne voulait aucun mal aux Skaikru, ayant même pris leur défense au sein du conseil de Polis pour leur intronisation.

« Pas la peine de sortir les griffes, je ne vais pas te manger. Tu ne m'as pas entendu arriver ? »

Si la guerrière évitait désormais les incidents diplomatiques, elle ne pouvait pas refouler sa véritable nature et ses habituelles piques, accompagnée d'amusement. Car ce n'était pas pour être méprisante ou tout autre qu'elle disait cela, mais avant tout pour calmer les ardeurs de méfiance et rassurer quant à sa présence.

Et puis elle avait été surprise de ne pas avoir été perçu, alors elle avait finalement laissé sortir son questionnement. Aucune hypothèses d'évoquées, les gardant pour elle, mais une simple question actuellement sans réponse.

« Je me nomme Nemyt, du clan des cavaliers, je viens de Polis, et je suis simplement venue voir comment était ceux pour qui j'ai pris le risque de les défendre face à d'autres. »

Nemyt avait l'impression de passer un interrogatoire et, si elle avait pu envoyer promener ce garçon, n'ayant pas forcément à se justifier, elle avait tout de même fait un effort. Effort qu'elle ne tiendrait pas longtemps si le Skaikru gardait cette attitude.

« Et tu es ? »

La guerrière aimait savoir à qui elle parlait. Elle pouvait toujours l'appeler « Mon garçon » ou bien même « Petit louveteau sauvage », mais elle ne voulait pas non plus faire croire à une moquerie avec ce dernier. Bien que, en y pensant, il collerait bien au jeune homme encapuchonné.